CETTE ARTICLE RECENT VIENT DU JOURNALE LIBERATION DATANT DU JEUDI 29 MARS 2007.
LE LIEN:
http://www.liberation.fr/vous/sante/244168.FR.phpAvec l'arrivée d'une nouvelle classe de molécules, la lutte contre le VIH prend un nouveau tournant.
Christine Katlama, professeur de maladies infectieuses à l'hôpital la Pitié-Salpêtrière, à Paris, a été le témoin depuis vingt ans de toutes les étapes des traitements contre le sida. Du désarroi des débuts, quand il n'y avait rien, à la bonne surprise des trithérapies, en 1996. Aujourd'hui, elle évoque un moment décisif avec l'arrivée de nouvelles molécules. Coprésidente de la conférence francophone sur le sida qui se tient à partir d'aujourd'hui jusqu'au 31 mars à Paris (1), elle note le paradoxe de la situation mondiale. D'un côté, des progrès thérapeutiques permettent d'évoquer l'hypothèse d'une éradication du virus. De l'autre, la question centrale des médicaments dans les pays en voie de développement et l'accès, non seulement aux trithérapies de base, mais désormais aux traitements dits de seconde ligne, l'«énorme défi actuel».
On soigne, mais on ne guérit pas. Or vous parlez d'éradication du virus. Depuis quelques années, ce mot était tabou, comme une frontière impossible à dépasser. Cela marque-t-il un changement dans les traitements ?
Peut-être que oui. D'abord, n'oublions pas que l'éradication du virus est l'objectif idéal de tous les thérapeutes du VIH. Aujourd'hui arrivent de nouvelles molécules qui vont agir avec d'autres dans la réplication [reproduction, ndlr] du virus. En particulier des molécules qui agissent sur l'entrée du virus dans la cellule, et d'autres sur l'intégration du virus dans le génome. Ces nouvelles molécules peuvent être associées à celles qui, aujourd'hui, attaquent la machinerie virale à différents points vitaux pour le virus. Tout cela nous conduit à changer de paradigme. Et nous renvoie à la nécessité de reprendre ce concept d'éradication.
C'est-à-dire ?
On a toujours dit et pensé que c'était l'intégration du virus dans la cellule qui posait problème, car c'est là que le virus arrive à se cacher et à demeurer. Si l'on parvient à faire en sorte que le virus ne s'intègre plus, on peut alors imaginer la disparition complète du virus dans le système immunitaire. Je rêve, mais il faut se donner un bol d'air là-dessus. Et c'est d'autant plus nécessaire que, du côté des vaccins, on est toujours dans des perspectives lointaines et plutôt moroses. Ces nouveaux concepts nous dégagent l'horizon.
Mais c'est un rêve, comme vous dites...
Ces nouvelles molécules (les anti-intégrases de Merck, comme le raltéigravir) et les nouveaux inhibiteurs de la pénétration du virus dans la cellule (appelés anticorécepteurs CCR5) arrivent. Elles devraient être commercialisées en 2008. Très honnêtement, pour ceux qui ont pu en bénéficier, cela a bouleversé leur vie. Ces patients étaient dans le multiéchec thérapeutique, on n'avait plus guère d'espoir pour eux, et là tout redevient possible. Pour moi, il se produit aujourd'hui un peu la même chose qu'en 1996, quand sont arrivées les trithérapies avec les antiprotéases. C'est presque le même miracle, en tout cas pour les patients multirésistants et très immunodéprimés. Une étape a été franchie : auparavant nous étions limités, et lorsqu'il y avait échec on remplaçait une molécule par une autre. Là, on peut relancer la recherche clinique sur de nouvelles bases. Ces nouveaux traitements apparaissent en outre bien tolérés. Combiner une très grande puissance antivirale et une bonne tolérance est fondamental.
Pourtant les traitements, disons classiques, marchent très bien.
Oui, et de mieux en mieux. 80 % des patients suivis dans les hôpitaux ont une charge virale [taux de particules virales circulant dans le sang] indétectable. C'est-à-dire qu'il n'y a plus de traces de la multiplication du virus, même si on sait que le virus persiste, intégré dans les cellules et tapi dans des lieux réservoirs où le virus demeure. 80 %, c'est un taux très élevé, et qui devrait augmenter. Il y a quelques années, nous étions à 50 %. Donc, avec des molécules déjà disponibles, les progrès sont réels. Là, on doit changer de concept. Et on ne devrait même plus utiliser l'idée d'échec thérapeutique. Le défi, maintenant, c'est d'une part d'empêcher toute réplication du virus, condition essentielle à l'absence de développement de la résistance, d'autre part d'imaginer les traitements qui pourront être efficaces et bien tolérés pendant des dizaines d'années par les patients. Ces nouvelles molécules sont des produits bien tolérés. Pour la première fois, on pourra combiner une très grande puissance antivirale et une bonne tolérance.